Étonner la catastrophe : la nouvelle expo qui déroute

La nouvelle exposition du Frac Franche-Comté donne la parole à cinq jeunes bisontins. Leurs œuvres dans leur ensemble sont le reflet d’une génération d’artistes résilients qui se projettent dans un avenir plus ou moins proche, plus ou moins beau.

L’art contemporain, on aime, où on n’aime pas. Et ce n’est pas la nouvelle exposition du FRAC Franche-Comté qui démontrera le contraire. Intitulée « Etonner la catastrophe » - un titre emprunté aux Misérables de Victor Hugo – elle rassemble cinq jeunes artistes : June Balthazard, Mégane Brauer, Mathilde Chavanne, Hippolyte Cupillard et Jordan Paillet. Tous ont fait leurs études à l’Institut supérieur des beaux-arts de Besançon (ISBA). Chacune et chacun, à sa façon, embrasse de grands thèmes qui traversent l’œuvre de l’écrivain bisontin.

À travers leurs films, leurs installations, leurs dessins, ils évoquent ainsi l’enfance ou la jeunesse en proie à des questions actuelles d’ordre environnemental, sociétal et politique.

 

Millennials (2022-2024) – June Balthazard. Photo : Xavier Ducordeaux.
Millennials (2022-2024) – June Balthazard. Photo : Xavier Ducordeaux.

L’exposition nous plonge d’entrée dans le noir de la première salle, dans laquelle June Balthazard s’exprime. Sur le mur principal, un film, tourné dans le massif du Morvan ; au sol, une sculpture, composée de troncs d’arbres. L’artiste met en scène des enfants rebelles engagés dans une « croisade » contre les adultes pour la sauvegarde des arbres. Pour sa réalisation, elle s’est inspirée du mouvement des jeunes pour le climat, créé en 2018 par Greta Thunberg.

Comme pour tous les artistes qui composent cette exposition, il a été proposé à June Balthazard un dialogue avec une œuvre d’un autre artiste figurant dans la collection du Frac. La Montbéliardaise a choisi Tricot, de Marina De Caro.

 

Photo : Xavier Ducordeaux.

« En transposant une structure essentielle du monde végétal, les racines, sur une silhouette humaine, Marina De Caro donne à voir ce qui s’exprime de manière plus invisible dans mon film, à savoir les liens que l’on tisse avec notre environnement » explique June Balthazard.

Dans la salle suivante, c’est l’univers d’Hyppolyte Cupillard qui irrigue les quatre murs d’une pièce mieux éclairée. Le bisontin excelle dans l’art du film d’animation. Il y présente trois courts métrages, brouillant les frontières entre réalité et fiction. Il y aborde les thèmes de la fin de vie, de l’enfance dans sa relation au monde des adultes, de la passation qui s’opère entre les générations, un monde en transition en somme.

Un dessin mural, intitulé Les Rudérales, fait directement écho au film intitulé La Chute qu’il vient d’achever. Les Rudérales sont des plantes sauvages qui poussent sur les ruines. Hippolyte Cupillard les représente ici en milieu désertique, s’élevant vers la lumière, pour mieux évoquer leur capacité à restaurer un écosystème perturbé et à réinsuffler la vie là où elle avait disparu.

 

Les Rudérales, d’Hyppolyte Cupillard. Photo : Xavier Ducordeaux.
Les Rudérales, d’Hyppolyte Cupillard. Photo : Xavier Ducordeaux.

Dans ce Frac transformé en complexe cinématographique, la troisième salle permet à Mathilde Chavanne de diffuser son dernier film, Pleure pas Gabriel. Sélectionné pour les Césars, ce court métrage mélancolique parle de la dépression de la jeunesse sur le mode de la tendresse et de l’humour.

Pour l’exposition, Mathilde Chavanne qui s’est consacrée exclusivement au cinéma depuis la fin de ses études, a réalisé des portraits de collégiens de Seine-Saint-Denis. Des jeunes gens, figurés sur un fond vide, qui portent tous des vêtements dorés réalisés avec des couvertures de survie.

 

Mathilde Chavanne. Photo : Xavier Ducordeaux.

Je mène régulièrement des interventions artistiques en milieu scolaire. Ils sont en permanence visés par des discours de haine de personnes qui ne savent rien d’eux, étudient dans des conditions particulièrement mauvaises. Je voulais leur rendre hommage. Les habiller de couvertures de survie raconte à la fois mon désir impuissant qu’ils soient protégés, qu’ils « survivent » dans ce monde, mais c’est aussi une manière de les faire briller, de les montrer avec l’éclat qu’ils méritent.

Mathilde Chavanne

En apparence, la quatrième salle semble faire place à l’optimisme. De fausses fleurs roses de cerisier s’agitent grâce à l’air insufflé d’un ventilateur ; de longs draps colorés à souhait et mis en lumière sont pulvérisés chaque jour d’adoucissant …
 

J’ai essayé d’être gentille, mais ça me tue de l’intérieur (2020). Photo : Xavier Ducordeaux.
J’ai essayé d’être gentille, mais ça me tue de l’intérieur (2020). Photo : Xavier Ducordeaux.

Mais ne vous y trompez pas. Issue de la classe sociale dont elle entend mettre en lumière les difficultés quotidiennes, Mégane Brauer est dans le combat. Dans son travail qui prend la forme de sculptures, d’installations et de textes, elle s’emploie à révéler les rapports sociaux de classe en mettant en lumière le vécu des personnes précarisées. L’artiste donne à voir ainsi les conditions de vie des personnes économiquement marginalisées à partir de leurs tranches de vie et témoignages, de leurs attentes, rêves et vexations, en empruntant à leurs décors, codes esthétiques et références culturelles, en détournant leurs objets, matériaux bon marché, et les paillettes dont elles se parent et qui les font rêver. Il en résulte une œuvre à l’esthétique clinquante, un univers féérique composés de rebuts, de plastique et de strass qui sous ses atours séduisants dénonce ce que la société cherche à invisibiliser.
 

Devant Stayed A-live (2023), Mégane Brauer fait référence à la condition des étudiants et à leurs rêves de réussite empreints d’illusions. Photo : Xavier Ducordeaux.
Devant Stayed A-live (2023), Mégane Brauer fait référence à la condition des étudiants et à leurs rêves de réussite empreints d’illusions. Photo : Xavier Ducordeaux.

Il faut descendre quelques marches pour accéder à la dernière salle, dédiée au travail de Jordan Paillet. Le Chalonnais d’origine, graphiste, illustrateur et designer pour plusieurs marques de vêtements, signe à Besançon sa première exposition. Dans son installation La petite fille aux allumettes, les vêtements sont comparables aux pages d’un livre. Provenant d’Emmaüs, ils ont en effet servi de toile vierge afin de devenir des exemplaires uniques grâce à différents moyens d’impression. Portés par des mannequins, lors d’une performance qui emprunte au défilé de mode, ces vêtements livrent l’un après l’autre l’intégralité du texte qu’Hans Christian Andersen a écrit en 1845, avant de rejoindre les cimaises de la salle d’exposition.
 

Chaque vêtement constitue une page du livre d’Hans Christian Andersen. Photo : Xavier Ducordeaux.
Chaque vêtement constitue une page du livre d’Hans Christian Andersen. Photo : Xavier Ducordeaux.

On débute évidemment par la première page du livre, le titre étant inscrit sur une casquette. Puis on découvre chaque vêtement l’un après l’autre. Il faut les toucher, les retourner ; regarder à l’intérieur des poches pour ne pas rater une ligne de l’œuvre originale. C’est aussi amusant que poétique, tout autant que tragique : car à la fin du défilé, comme à la fin du livre, la petite fille aux allumettes n’est plus.
 

Ce moment où la petite fille craque une de ses dernières allumettes, et où l’espoir de faire Noël renait. Photo : Xavier Ducordeaux.
Ce moment où la petite fille craque une de ses dernières allumettes, et où l’espoir de faire Noël renait. Photo : Xavier Ducordeaux.

 

Étonner la catastrophe

17 novembre 2024 > 30 mars 2025

Frac Franche-Comté
Cité des arts
2, passage des arts
25 000 Besançon

Tél. 03 81 87 87 40
www.frac-franche-comte.fr

Horaires d’ouverture au public :
14h – 18h du mercredi au dimanche

Tarifs
Tarif plein : 5 €
Tarif réduit : 3 €
Gratuité : scolaires, moins de 18 ans et tous les dimanches
Autres conditions tarifaires disponibles à l’accueil.

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