Série « Elles font la Bourgogne-Franche-Comté ». Chaque semaine, de mars à juin 2021, la Région Bourgogne-Franche-Comté met à l’honneur des femmes remarquables, dans le cadre du Printemps de l’égalité.
Siv-Chheng Tiv est une battante, et c’est peu de l’écrire. Pendant longtemps, la jeune femme, bardée de diplômes, s’est battue pour se faire une place dans les ateliers de mécanique de précision ou les usines de machines-outils. Elle s’est prise de passion pour la métallurgie, un « monde industriel, masculin, traditionnel » et a occupé des postes de managers en Suisse, tout en habitant dans le Val de Morteau (25).
Toutefois, depuis son plus jeune âge, elle rêve d’une seule chose : diriger sa propre entreprise. En 2017, elle a suffisamment d’expérience pour se lancer. Par l’intermédiaire des chambres consulaires du Doubs, elle rencontre Yves Obertino. Le Mortuacien s’apprête à céder l’entreprise familiale, la fonderie qui, depuis 1931, fabrique les cloches en bronze ornant le cou des montbéliardes, ainsi que d’autres pièces de fonderie sur mesure.
« Il y avait d’autres repreneurs potentiels mais c’est moi qu’Yves Obertino a choisie, car j’avais le meilleur profil. Je vis ici depuis plus de 20 ans, c’était plus facile, résume l’entrepreneuse. Et les vaches, ça m’a toujours beaucoup plu. » L’ancien dirigeant et la nouvelle patronne collaborent ensemble pendant six mois avant que Siv-Chheng Tiv ne reprenne les rênes de l’atelier. Et marche ainsi sur les traces de son père : « Au Cambodge, il dirigeait une entreprise de 200 salariés. Mais il a été dénoncé aux Khmers rouges et nous avons dû fuir le pays pour sauver notre peau».
Des savoir-faire menacés par la crise sanitaire
À la fonderie, les débuts de la cheffe d’entreprise ne sont pas faciles. Ici, aussi, auprès des employés, des fournisseurs ou des clients, elle doit faire ses preuves. « Beaucoup pensaient que je n’allais pas durer longtemps. Mais j’ai foncé, je me suis affirmée et j’ai montré mes compétences. Je m’attache aussi à mettre en valeur au maximum l’équipe, le travail humain ».
À 51 ans, Siv-Chheng Tiv n’a pas fini de se battre. Son nouveau combat, c’est la défense de sa boîte, Obertino Morteau, et donc du savoir-faire unique de ses salariés : mouleurs, fondeurs, bourrelier… Ils reproduisent des gestes et techniques remontant au 18ème siècle. « On est des irréductibles et la qualité de notre travail est reconnue dans le monde entier » revendique-t-elle.
En 2020, à cause de la crise sanitaire, l’annulation des comices agricoles et la chute des exportations ont ébranlé l’entreprise presque nonagénaire. Siv-Chheng Tiv a dû supprimer deux emplois – sur douze – mais a tenu à préserver tous les postes de fabrication. Les commandes de cloches de la solidarité ont afflué pour maintenir la société à flots. Mais la dirigeante est inquiète. Elle craint une nouvelle année sans foire ni concours agricoles : « Le Haut-Doubs, c’est ma terre d’accueil et on m’a investi d’une mission : garder ce savoir-faire et le transmettre pour les générations futures. Je me battrai pour cela ».
Ses dates clés
- 1970 : naissance au Cambodge
- 1979 : arrivée de la famille en France
- 2003 : diplômée d’un Master of business administration en Écosse
- 2005 : manager dans la métallurgie en Suisse
- 2018 : reprise de la fonderie de cloches Obertino à Morteau (25)
Son message pour les femmes
« Quand on est une femme, il faut s’affirmer, plus qu’un homme. Sinon, on n’a pas confiance en vous. »
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