Hydrogène : ça bouillonne en Bourgogne-Franche-Comté

La troisième édition du forum Hydrogen Business for Climate s’est tenue les 3 et 4 octobre 2023 à Belfort (90). L’occasion de faire un point sur une filière qui n’en finit plus de prendre de l’épaisseur sur notre territoire.

C’était au siècle dernier. Il y a presque 25 ans, les premières activités de recherche autour de l’hydrogène et de la pile à combustible étaient menées dans le Nord Franche-Comté. Depuis, la filière a pris corps. Le premier véhicule à hydrogène immatriculé en France (la F-City H2) sort d’Etupes (90) en 2011. Les startups émergent. Les PME et les industriels font de la place à l’hydrogène dans leurs procédés de fabrication. En 2016, la Bourgogne-Franche-Comté est labélisée « territoire Hydrogène ». Aujourd’hui, on estime à une centaine le nombre d’entreprises qui ont une part d’activité dans l’hydrogène. 15 sont même totalement liées à cette activité. À l'horizon 2025, le nombre d’emplois de la filière devrait atteindre les 1 200.

Partout, les projets s’accélèrent. À Auxerre, à Dijon, à Mâcon, à Nevers, à Dole. Et bien sûr, dans le pays de Montbéliard et à Belfort. La cité du lion accueillait d’ailleurs la troisième édition du forum Hydrogen Business for Climate, les 3 et 4 octobre 2023. L’occasion d’aller à la rencontre des acteurs de la filière, et de faire un point sur leurs activités… foisonnantes !

1. INOCEL (Belfort – 90)

Annoncée en mai dernier, l’implantation d’Inocel à Belfort va bon train : « On a commencé à rénover le site sur lequel nous allons nous installer, avance Jessica Horn, en charge des relations publiques ; les recrutements sont en cours, on espère, comme prévu, sortir nos premières piles à combustible forte puissance fin 2024. » Nommée Z3000, la pile d’Inocel développe une puissance de 300 kW, soit celle d’un poids lourd de 44 tonnes. Ce qui fait sa différence ? « C’est sa compacité, affirme Jessica Horn. A volume et poids équivalents, notre pile est trois fois plus puissante que les standards de l’industrie. » Un argument choc, qui fait mouche auprès de la clientèle : près d’un milliard d’euros de promesses d’achat ont déjà été formulées. Vivement 2024 !

Johann Lejosne (directeur des ventes et des partenariats) et Richard Rihouet (directeur de fabrication) présentent pour la première fois leur pile à combustible à forte puissance - Photo Xavier Ducordeaux

2. ORECA (Magny-Cours – 58)

A voir son moteur, on pourrait presque croire qu’il s’est trompé de salon ; Loïc Combemale, responsable technique des projets chez Oreca, expose son moteur historique, utilisé par les plus grands constructeurs automobiles en rallye. A une nuance près : il est alimenté avec de l’hydrogène, et sans pile à combustible : « On a changé les injecteurs, on a adapté le turbocompresseur, mais pour le reste, c’est quasiment le même moteur, que l’on associe à un réservoir hydrogène » explique simplement Loïc Combemale. Après quelques mois de recherche, le moteur à combustion interne Oreca H2 est déjà passé au banc d’essai. « On est en discussion avec un constructeur pour l’implanter », avance Loïc Combemale, qui espère voir son moteur sur le Dakar en 2025. Ce serait une première française. « On travaille aussi en parallèle sur le développement d’un V6 hydrogène avec un rêve : l’aligner un jour aux 24h du Mans. »

Loïc Combemale (responsable technique des projets) espère voir son moteur hydrogène sur le Dakar d’ici 2025 - Photo Xavier Ducordeaux

3. GEN-HY (Allenjoie – 25)

Le permis de construire a été validé et le plateformage du site a été fait cet été : Gen-hy va installer son unité de fabrication d’électrolyseurs à Technoland II, dans le pays de Montbéliard. L’aménagement est programmé au premier semestre 2024 et la production devrait débuter au second semestre : « Les recrutements sont lancés. On aura besoin de 120 collaborateurs d’ici 2025/2026 » promet Patrice Molle, chargé des affaires publiques et institutionnelles de l’entreprise. Gen-Hy sera la seule à produire en France des membranes à échange d’anions (AEM), dont la particularité est d’améliorer de 20 % les rendements de l’électrolyse. Et surtout, elle n’utilise pas de métaux rares : à terme, 160 tonnes d’hydrogène vert devraient sortir de l’usine d’Allenjoie chaque année.

Patrice Molle, chargé des affaires publiques et institutionnelles de Gen-Hy - Photo Jean-François Maillot

4. FORVIA (Allenjoie – 25)

Après avoir installé son centre mondial de R&D dédié à l’hydrogène à Bavans dès 2019, Forvia (ex Faurecia) a investi 165 millions d’euros en 2021 pour construire son unité de production à Allenjoie. 200 personnes y fabriquent des réservoirs hydrogène pour véhicules, mais aussi des solutions de stockage de grande capacité. Les premières livraisons de réservoirs ont commencé : « Cette usine de pointe, la première de ce type en Europe et Amérique du Nord, a pour objectif de produire 100 000 réservoirs par an », détaille Patrick Koller, le PDG. L’ianuguration du site est prévue la semaine prochaine.

Les dirigeants de Forvia ont reçu la visite de Marie-Guite Dufay, Présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté et du Préfet de Région Franck Robine - Photo Jean-François Maillot

5. MINCATEC (Belfort – 90)

Ils arrivent tout juste sur le marché (la société a été créée en 2020), mais ils ont vite été repérés au sein du cartel ! Installée à Belfort, Mincatec Energy développe des réservoirs stockant de l’hydrogène à l’état… solide ! Un gros avantage, lorsque l’on sait la difficulté de stocker un gaz onze fois plus léger que l’air. Mincatec Energy a mis au point une solution basse pression qui emprisonne les molécules hydrogène dans de la poudre de métal : « Notre réservoir est capable d’embarquer 1kg d’hydrogène solide, explique Emmanuel Bouteleux, directeur de Mincatec Energy. Nos réservoirs sont combinables en fonction des besoins, nous permettant d’alimenter un moteur thermique de plusieurs dizaines de kW. Nous savons fonctionner avec tout type de piles à combustible et piloter tous les moteurs » promet l’entrepreneur. En pleine phase de levée de fond, Mincatec Energy espère passer en phase d’industrialisation d’ici fin 2024.

Emmanuel Bouteleux, directeur Mincatec Energy - Photo Xavier Ducordeaux

6. SCHIEVER (Avallon – 89)

Eux, on ne les a pas vu venir ! Il faut dire que le groupe Schiever (7 000 salariés, 199 magasins sous enseigne dont bi1) n’avait à priori pas de raison d’investir sur le créneau de l’hydrogène. C’était sans compter sur l’engagement de Vincent Picq : « Nous avons engagé une réflexion sur la substitution aux carburants fossiles depuis 2021, assure le directeur général de l’entreprise, qui poursuit : on fait le pari de l’hydrogène en construisant sur notre site de Magny dans l’Yonne une station de production, stockage et distribution d’hydrogène vert. » La station sera mise en service fin 2024 et alimentera sa flotte de camions 44 tonnes. Les mêmes camions qui roulent aujourd’hui en diesel, et dont les moteurs seront changés par des moteurs à combustion hydrogène du groupe breton EHM. Selon le même principe que les bolides de rallye Oreca (voir plus haut). Les camions zéro émission disposeront d’une autonomie de 450 km, avec un temps de charge rapide de 10 à 15 minutes seulement.

Schiever annonce « une première mondiale » : la transformation d’un 44 tonnes diesel en camion équipé d’un moteur à combustion hydrogène - Photo DR

7. McPhy (Belfort – 90)

Ce sera la plus grosse usine d’électrolyseurs en Europe. Excusez du peu. McPhy à choisi Belfort et son aéroparc de Fontaine pour construire son nouveau site de production. Il doit être opérationnel pour le début de l'année 2024. Cette « gigafactory » accueillera les processus de fabrication des deux parties d'une station de production d'hydrogène : le cœur du réacteur, où se produit l'électrolyse (le stack), et l'électrolyseur (EPU) qui l'entoure, qui permet de séparer l'hydrogène de l'oxygène pour le stocker. Une fois assemblés, ces éléments permettront aux clients de McPhy de produire leur propre énergie verte. À terme, l'usine de Fontaine permettra d'embaucher jusqu'à 400 personnes.

Le futur site de McPhy sera opérationnel début 2024 - Photo Groupe GSE

8. H2SYS (Belfort – 90)

La petite startup créée en 2017 par des chercheurs du FCLAB bien grandi. Et ce n’est pas fini. L’entreprise, qui fabrique des générateurs électriques fonctionnant à hydrogène, vient d’être intégrée au programme « Première usine » de l’Etat. Un programme fortement doté qui va permettre à H2SYS de construire son premier site de production, à Belfort. Il devrait sortir de terre en 2025. D’une vingtaine de salariés, H2SYS devrait passer rapidement à 40 puis à 100 une fois l’usine de production en service.

Sébastien Faivre, président et co-fondateur de H2SYS - Photo Jean-François Maillot

Vers la création d’une école nationale de l’hydrogène

Des entreprises qui grandissent, ce sont des offres d’emplois qui se créent. Sauf qu’en matière d’hydrogène, qui reste encore une compétence méconnue, les formations ne se sont pas encore développées. Sauf peut-être en Bourgogne-Franche-Comté, qui accueille un cursus de master en ingénierie unique en France. Le CMI Hydrogène-Energie et Efficacité Energétique proposé par l’Université de Franche-Comté forme sur 5 ans aux métiers d’ingénieur en production et gestion de l’énergie. D’autres structures proposent des formations intégrant l’hydrogène dans leur cursus : l’UTBM de Belfort-Montbéliard, l’ENSMM de Besançon, la campus Arts & Métiers de Cluny, l’université de Bourgogne, l’ISAT de Nevers, l’ESIREM de Dijon - Le Creusot…
Des compétences que Marie-Guite Dufay souhaite faire reconnaître au niveau national. Arborant un badge « Ecole nationale de l’hydrogène, ici, en Bourgogne-Franche-Comté », la présidente de Région indique avoir candidaté au niveau de l’Etat pour développer son projet. Attention, il ne s’agit pas de créer concrètement une école ; mais de coordonner et labéliser les formations existantes, d’associer les industriels, de créer des nouvelles formations là où il y a des carences… L’école nationale de l’hydrogène serait un label commun à toutes ces formations. Et identifierait clairement la Bourgogne-Franche-Comté comme le lieu des savoirs en matière d’hydrogène. Marie-Guite Dufay espère voir se concrétiser le projet en 2025.

L’accessoire de mode indispensable du dernier forum Hydrogen business for Climate : le badge « Ecole Française de l’Hydrogène, ici en Bourgogne-Franche-Comté », porté par Marie-Guite Dufay et le préfet de Région Franck Robine -Photo Jean-François Maillot

L’accessoire de mode indispensable du dernier forum Hydrogen business for Climate : le badge « Ecole Française de l’Hydrogène, ici en Bourgogne-Franche-Comté », porté par Marie-Guite Dufay et le préfet de Région Franck Robine - Photo Jean-François Maillot

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Article du 05/10/2023 20:15, modifié le 06/10/2023 16:25

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