Dans le Doubs, la société Epau-Nova a délaissé la fabrication de ses traditionnelles épaulettes en textile. Elle se concentre depuis quinze jours sur la confection de masques de protection. Une vraie aventure humaine.
« Nous sommes en guerre ». Cette phrase, prononcée par le Président de la République le soir du 16 mars dernier, a particulièrement résonné dans la tête de Gille Curtit. Ce chef d’entreprise dirige la société Epau-Nova, basée à Mathay, dans le Doubs. Jusqu’au 16 mars, elle confectionnait des accessoires textiles, essentiellement des épaulettes pour vêtements. Mais ça, c’était avant : « Le 17 matin, tout a changé. J’ai vu la différence sur le visage de mes salariés. » L’économie s’arrête. Les commandes sont stoppées net. Une partie des salariés d’Epau-Nova passe en chômage partiel.
« Mais le 18 mars, je reçois un mail de l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH) qui me dit que l’on va avoir besoin de nous. Pour produire des masques de protection. » Le début d’une sacrée aventure. 48 heures lui suffisent pour réaliser trois prototypes. Le vendredi 20 mars, il en envoie un à la Direction générale de l’Armement (DGA), chargée de labéliser les projets. Les propriétés filtrantes sont notamment passées au crible. Quatre jours après, pas de nouvelles : « On monte alors en voiture au siège de la DGA, à Vert-le-Petit, dans l’Essonne, avec nos échantillons ». La réponse intervient deux jours plus tard. Les masques d’Epau-Nova remplissent tous les critères. Ils sont homologués UNS1 (masque individuel à usage des professionnels en contact avec le public).
Changement de braquet
« On bascule alors dans une autre dimension » se rappelle Gilles Curtit. Il réunit son personnel. Il sait que les commandes vont être infinies. Il propose à ses 34 salariés de changer de braquet : travail le week-end, jusqu’à 10 heures de labeur par jour… sur la base du volontariat. Tous adhèrent. « Je voulais que ce soit une œuvre collective ; dans nos métiers, menacés par la délocalisation, on avait à cœur de montrer que nous pouvions être utiles. Le personnel a parfaitement pris conscience qu’en adhérant au projet, il allait servir les autres. »
Le 27 mars, l’entreprise est en ordre de marche. Grand conservateur, Gilles ressort quelques vieilles surjeteuses de son stock de 300 machines, qu’il conservées pour l’histoire. Il a suffisamment de stock de tissus (une première couche en propylène, une seconde en Oeko-Tex, produit biologique, pour être en contact avec la peau) pour commencer la production. Il s’assure du réassort, et trouve les élastiques chez un fournisseur spécialisé dans la lingerie.
Une semaine plus tard, Epau-Nova a fabriqué 10 000 masques : « On augmente la cadence chaque jour. A terme, on sera en capacité de produire 20 000 masques par semaine. » Gilles Curtit a embauché six nouveaux collaborateurs pour assumer l’augmentation de l’activité. « On va rester un acteur loco-régional. Nous fournissons les collectivités territoriales et les entreprises de notre territoire. » Gilles Curtit a fixé un prix unique pour tous ses masques, quelles que soient les quantités demandées : « 3 € TTC. On ne s’en sortira pas avec un prix comme ça. Mais le service que l’on rend aujourd’hui est plus important que notre rentabilité. C’est une question de santé publique ».
« Ma femme est infirmière. Les masques FFP2, j’ai vite compris qu’il fallait les réserver pour elle et tous ceux qui sont en première ligne. Et qu’il fallait créer d’autres masques, pour tous les autres. »
Gilles Curtit, dirigeant de Epau-Nova
La fibre solidaire de Géochanvre
Basée à Lézinnes, près de Tonnerre (89), la société Géochanvre fabrique des toiles de paillage en chanvre. Depuis le début du confinement, les dix salariés poursuivent leur activité pour approvisionner leurs clients maraîchers ou viticulteurs. Mais, en parallèle, l’entreprise a lancé une nouvelle production. Depuis lundi 6 avril, elle fabrique des masques. En chanvre évidemment.
« D’un côté il y a la crise sanitaire avec des enjeux énormes. De l’autre, notre entreprise a un savoir-faire unique pour fabriquer de l’intissé en fibre naturelle locale. Alors, par solidarité, on s’est dit qu’on allait mouiller la chemise, en essayant d’apporter une solution de protection pour la population » raconte Sandrine Boudier, en charge de la communication de Géochanvre.
Il a fallu une quinzaine de jours pour mettre au point un prototype, en s’appuyant sur les compétences locales et une campagne de financement participatif. Le masque bio en chanvre a été homologué le 1er avril par la Direction générale des armées. « Il a été classé en catégorie 2. C’est un masque alternatif. Il n’est pas adapté à un usage sanitaire. » Ce masque jetable, vendu en kit avec un élastique et des mousses de confort, est principalement destiné aux entreprises pour la protection de leurs salariés, afin de leur apporter rapidement une solution fonctionnelle et économique.
L’équipe de Géochanvre a commencé par confectionner 5 000 pièces par jour. Toutefois, afin de répondre à la demande, les capacités de production vont rapidement augmenter pour atteindre entre 25 et 30 000 masques fabriqués quotidiennement.
D’autres acteurs en Bourgogne-Franche-Comté
En Bourgogne-Franche-Comté, trois autres sociétés ont obtenu le label de la DGA pour produire des maques textile : RKF Luxury Linen (Luxeui, 70) ; Adapei Pro 70 (Vesoul, 70) et Géochanvre (Lézinnes, 89, voir ci-dessus : la fibre solidaire de Géochanvre). Trois autres attendent leur homologation : Stand 21 (Talant, 21) ; les Ateliers Gauthier (Chalon-sur-Saône, 71) et la Compagnie Dumas (Tonnerre, 89).
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