« Pour moi et pour donner de l’espoir aux enfants »

Maud Méry de Montigny, 42 ans, exerçait le métier d’enseignante spécialisée à Roubaix, dans le nord. Après un burn out et un diagnostic autiste Asperger* très tardif, elle a choisi il y a trois ans et demi de tout plaquer et de s’établir à Lavans-lès-Saint-Claude, dans le Haut-Jura, où elle prépare un défi colossal, parcourir 420 km dans les Montagnes du Jura en quatre jours et quatre nuits.

« Maud, parlez-vous de ce projet fou ?
En avril, j’étais partie pour réaliser ce raid à travers les montagnes du Jura. C’était la semaine ou on a eu 30°C le samedi, 30°C le dimanche et… la neige le mercredi. Cela devenait trop dangereux et j’ai arrêté après 100 km, juste avant le Saut du Doubs. Pour cette nouvelle tentative, je suis sereine. Je suis vraiment bien entourée. Mon copilote, Stéphane Perrard, m’accompagne depuis le début du projet. Je courrai seule, avec une balise GPS, mais l’assistance suivra et sera là sur tous les points définis en amont, tous les 20 km, pour que je puisse me ravitailler et me changer.

Etes-vous prête ?
Physiquement et mentalement, je suis prête. Je contrôle ce que je peux contrôler. Mais tout peut arriver, une chute, une mauvaise météo… Il faut rester humble car la montagne reste la montagne. Nous ne sommes pas invités, c’est nous qui allons chez elle. Je suis sereine car je vais faire ce que j’aime le plus au monde, courir et fuir toutes les hyperstimulations de la ville, rester focus, centrée sur moi. 

« L’ultra trail m’a sauvée »

Pourquoi avez-vous choisi de vivre en Bourgogne-Franche-Comté ?
Je cours depuis six ans et demi et j’ai effectué mon premier ultra marathon en 2019, c’était le 100 km de Steenwerk, dans le nord. Puis, en 2020, j’ai couru l’Ultra 01, au départ d’Oyonnax, qui emprunte les montagnes de l’Ain et du Jura. Cela a été une révélation, je me suis dit « j’ai trouvé ma place ici ! ». Les montagnes du Jura constituent un bon compromis entre la plaine et la haute montagne, qui est moins confortable, moins sécurisante pour moi qui vit seule avec mon fils de 11 ans. Il y a quelques années, j’ai été diagnostiquée autiste Asperger et j’ai une malformation de l’oreille interne. Un appareillage me permet de mieux entendre les basses et moins entendre les aigus. Je viens seulement d’avoir la reconnaissance de ma différence. Je dis « différence » car je déteste le mot « handicap », qui est stigmatisant. Quand on est comme moi, le quotidien est angoissant et on fuit cette société de l’immédiateté et de la surconsommation. Venir vivre dans la montagne m’a sauvée, l’ultra trail m’a sauvée. Je cherche ici des choses simples, avec mes baskets et mes chiens.

Pouvez-vous mettre des mots sur ces maux ?
Je suis née avec ça et j’ai des souvenirs terribles de mon enfance. Je vivais très mal ma différence, je ne comprenais pas. En fait, mon bagage de vie est très lourd, entre anorexies mentales et violences. Je n'hésite pas à en parler car cela permet de libérer la parole et à beaucoup de femmes de s’identifier à moi sur les réseaux sociaux. Le plus dur, c’est d’apprendre à être soi-même. Dans la société actuelle, la différence est regardée de travers. Il faut avoir les codes, il faut rentrer dans le moule et moi je n’ai jamais su faire avec les autres, sauf avec ceux qui sont comme moi, qui sont câblés de façon différente. Avec les autres, il n’y a pas le feeling, il y a des incompréhensions et je sais depuis le diagnostic que je ne peux pas changer ça. Je l’ai intégré.


Quel est votre parcours ?
J’ai vécu 39 ans dans la région lilloise. J’ai fait beaucoup de musique, 15 ans de piano. Et pendant 10 ans, j’ai été DJ, j’ai composé de la musique électronique, j’ai fait des disques, ce qui m’a permis de faire le tour du monde. Puis j’ai mis en veille la musique à la naissance de mon fils car je me suis retrouvée seule. J’ai alors repris les études, en master science de l’éducation, et je suis restée six ans et demi dans l’éducation nationale avant que tout explose au moment du Covid. J’ai saturé et c’est à ce moment-là que j’ai été diagnostiquée.

La montagne reste la montagne. Nous ne sommes pas invités, c’est nous qui allons chez elle.

Maud Méry de Montigny

« Le début de quelque chose »

Jusqu’à ces dernières années, aviez-vous conscience de vos capacités physiques ?
Je cours depuis six ans et demi, mais j’ai un passé et un environnement sportifs. Mon père était coureur de demi-fond de haut niveau. Je faisais des randonnées avec mes parents, j’ai fait quatre ans de boxe, de la savate, et 15 ans de danse. Et j’étais en sport-étude volley au collège, mais ce n’était pas mon truc. Quand on est autiste, il faut oublier les sports co !

Ce défi est-il un aboutissement ou une étape ?
C’est le début de quelque chose. Je le fais pour moi mais surtout pour montrer qu’on peut réaliser des choses incroyables quand on est différent. Je veux donner de l’espoir aux enfants qui sont comme moi et à leurs parents. Lors de ce défi, une cagnotte a été mise en ligne pour financer les activités montagne des enfants de l’IME de Saint-Claude (39). Il y a d’autres idées de projets pour fédérer autour des différences invisibles. Beaucoup de gens me suivent sur les réseaux et s’intéressent à mes récits de course, aux informations que je partage sur la préparation mentale et sur la gestion des émotions. Je veux continuer cela.
»

*Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans déficience intellectuelle, qui se caractérise par des difficultés, notamment dans le domaine de la communication verbale et non-verbale, face aux interactions sociales. Le syndrome d’Asperger est un trouble envahissant du développement (TED) neurologique, d’origine génétique. Les « Asperger » souvent dotés d’un quotient intellectuel supérieur à la moyenne.

La Traversée 400k

Maud Méry de Montigny, ultra traileuse - Crédit Anthony Pouille

Maud Méry de Montigny s'élancera ce mercredi 23 octobre 2024 de Mandeure (Doubs) et arrivera à Culoz (Ain) le 27 octobre. Elle empruntera globalement les sentiers de la Grande Traversée du Jura (GTJ), avec La Dôle (1 677 m d'altitude) en plus. Dénivelé positif total de la course : 16 000 m.

A suivre
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